ESPOIR ET DESILLUSION

L' entre-deux-guerres. Espoir et désillusion.

La paix revenue, les soldats regagnent leurs foyers et se remettent a travail. Nombreux hélas, sont ceux qui ont perdu la vie sur les champs de bataille ou dans quelque hôpital à la suite de graves blessures ou de maladie. Au Fayl on dénombre quatre vingt deux morts dont vingt vanniers. Mais le courage ne fait pas défaut et partout se manifeste une forte volonté de redressement.

Les osiériculteurs, les vanniers, les rotiniers, sont bien décidés à faire progresser leur métier. La tâche est importante. Les vieilles oseraies plus ou moins négligées pendant la guerre sont arrachées et replantées. La superficie des oseraies cultivées sur le territoire du Fayl qui était de 115 hectares en 1920, atteint 140 hectares en 1929.

Dans le domaine de la vannerie, certains marchés délaissés, faute de moyen de production, sont à reconquérir; ceux qui ont été maintenus, tant bien que mal, demandent à être développés et consolidés. La compétition entre les régions vannières françaises et étrangères s'annonce sévère. Les marchands vanniers, les industriels de la vannerie et du meuble en rotin, se lancent dans la publicité et la prospection. Ils éditent des catalogues, insèrent des encarts publicitaires dans les journaux et les revues. Ils visitent les expositions, le foires agricoles et industrielles, les salons d'art et participent parfois à ce manifestations. Quelques fabricants et négociants en gros n'hésitent pas à faire paraître des annonces dans les pages des grands catalogues réservés aux représentants et aux commissionnaires exportateurs.

Les ventes de certaines vanneries sont en progression : articles de voyage (malles, valises, toilettes), articles de ménage (panier à linge, huches à pain, paniers à bois, corbeilles à chiens et à chats), paniers à provisions, sièges d'enfants pour bicyclettes, articles de présentation, etc.

En 1926, deux cents vanniers sont encore en activité au Fayl et plus huit cents dans la région. De nombreux négociants sont spécialisés dans le commerce de l'osier et de la vannerie.

A Fayl-Billot nous trouvons :

1°- Les fils de Jean-Baptiste DELAMOTTE, fondateur de la maison de commerce vers 1856.

-         Mr Alphonse DELAMOTTE, l'aîné, est établi rue du Chemin Neuf.

-         Mr Henri DELAMOTTE, le cadet, a pris la suite de son  père, rue Reby.

2°- Les fils et petits-fils de François L'HERITIER-ROGER, fondateur de la maison vers l860. La maison L'HERITIER existait vraisemblablement avant l860. On relève en effet sur un registre paroissial du XVIIIème siècle, un François L'HERITIER, marchand au Fayl en 1789, mais sans précision sur la nature du commerce pratiqué.

- Mr Léon L'HERITIER, le fils ainée, est établi rue du Chemin Neuf.

- Mr Jules L'HERITIER et ses fils, Charles, Gustave et René sont installés rue du Vau.

3°- Mr Joseph CHERREY, qui a succédé à son père Jean-Baptiste CHERREY. La maison établie rue Reby a été fondée vers 1860 par le grand-père Nicolas CHERREY.

4°- Mr Louis VIARDOT-VATRE, négociant en osiers, établi rue du Grand Moulin depuis 1900.

5°- Mr Charles AUBERTIN (beau-fils de Mr Louis VIARDOT), négociant en osiers, installé rue de Langres depuis 1923.

A BUSSIERES existent les maisons DECOURCELLES, VIARDOT frères, MOREL-VIREY et CHARNOTET frères (Mr Georges CHABNOTET est un ancien élève de l'Ecole de Vannerie.)

A LAFERTE-SUR-AMANCE, osiers et vanneries sont commercialisés par la maison MORISOT.

A PROVENCHERES-SUR-MEUSE la fabrique de vannerie BESANÇON-BERTHEL, fondéeen1916, prend de l'extension.

VANNIERS DE FAYL - BILLOT AU DEBUT DU XXème SIECLE

Maison Delamotte

La Maison DELAMOTTE 9 rue Reby.

Maison Lhéritier

La Maison L'HERITIER 17 rue du Vau.

Tous ces marchands possèdent chevaux et chariots. Chaque semaine ils effectuent des tournées dans les villages, " lèvent " la vannerie chez leurs " ouvriers " et passent leurs commandes pour la semaine suivante. Au FAYL et à BUSSIERES, les vanniers ont l'habitude de porter eux-mêmes leurs marchandises chez les marchands. Les livraisons se font généralement le dimanche matin ou le samedi soir.

Au cours des années 1920 apparaissent les premiers camions automobile (beaucoup de véhicules américains de la guerre de l4). Peu à peu l'osier et la vannerie sont " levés " à domicile dans tous les pays. Quand il s'agit d'expéditions importantes et pressantes - ce qui se produit parfois à certaines période de l'année - les marchands ont recours à des charretiers ou à des cultivateurs qui effectuent occasionnellement des transports d'osiers et de vannerie.

L'essor de l'industrie du rotin.

- Après la guerre de 1914, on assiste au Fayl à ce que l'on pourrait appeler une " conversion partielle " de la main-d'œuvre vannière. Le travail du rotin, qui a débuté en 1911 , se développe de manière spectaculaire. Plusieurs fabriques de meubles sont créées au Fayl au cours des années 1920. Toutes trouvent chez les vanniers leur personnel technique d'encadrement et leurs ouvriers les plus qualifiés.

-Les Etablissements Marius RAGUET s'agrandissent dès 1919. Un important bâtiment industriel est construit rue Brugnon en 1925-1926. Les magasins et les locaux de conditionnement sont installés Grande Rue, à l'angle de la rue de la Perrière, dans le bâtiment acheté en 1917 à la quincaillerie CLAUSSE. (aujourd'hui boulangerie-pâtisserie LOUVET). Au début des années 20, les Etablissements RAGUET emploient une soixantaine de personnes dont une vingtaine à domicile. Des créations prestigieuses, présentées à PARIS en 1925 à l'exposition des Arts Décoratifs, étendent la renommée de la Maison bien au-delà des frontières de la France. Au milieu des années 20 les fabrications se développent encore et le capital social de l'Entreprise est élevé à la somme de 1.300.000 F, par émission d'actions de 100 francs.                                                                                                  Référence : L'ILLUSTRATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE - numéro spécial Haute-Marne - janvier 1927.

Les frères Louis et Alphonse PETITOT s'associent en 1920 et créent une fabrique de vannerie et de meubles en rotin. D'abord installés rue Sainte Anne aux numéros 8 et 10, ils s'établissent, en 1925, place de la Barre et abandonne) la vannerie pour se consacrer uniquement au travail du rotin. A cette époque les ateliers PETITOT occupent une quinzaine d'ouvriers.

- En 1920, Monsieur Jean MINOT, ancien élève de l'Ecole de Vannerie, ouvre sa fabrique de meubles en rotin au n°43 de la Grande Rue (ancien café PARISEL; aujourd'hui bureau des assurances GAN avec le garage attenant). A ses début la maison MINOT emploie six ouvriers. En 1922, Jean MINOT s'associe avec Monsieur Gaston BOUTON, ex-chef de pratique à l'Ecole de vannerie et ex-contremaître des Etablissements RAGUET. En 1925, Madame Jean MINOT succède à son mari décédé. L'année suivante l'association MINOT-BOUTON prend fin. Une trentaine d'ouvriers travaillent pour les Etablissements MINOT à la fin des années 1920.

- Monsieur ROBERTY-ROGNON crée à son tour, en 1926, un atelier de rotin en association avec Monsieur Adrien PAGE (originaire d'HARAMONT dans l'Aisne ex-chef de pratique de vannerie à l'Ecole (1916-1919), puis contremaître aux Etablissements RAGUET (1922-1926). Monsieur ROBERTY, installé d'abord rue de la Perrière, puis au n°9 de la Grande Rue, occupe une vingtaine d'ouvriers.

- En 1929 enfin. Monsieur Paul GARNIER, artisan rotinier, s'établit à Fayl, rue Darboy, après avoir séjourné quelque temps à CADENET pays vannier du Vaucluse.

OBIERS ET VANNIERS DE FAYL - BILLOT

vanniers au travail

Groupe de vanniers au travail (1905)

Maison Aubertin

La Maison AUBERTIN-VIARDOT Rue de Langres.

Impressionnant chargement d'osiers sur un camion à gazogène. (remarquer la fumée qui s'échappe sous le camion) (Cliché Marcel AUBERTIN)

En 1929 /1930,les fabriques de meubles en rotin du Fayl emploient 90 personnes dans leurs ateliers et plus d'une quarantaine à domicile, principalement des " CANNEUSES " et des " TORTILLEUSES ". Toute la production est de grande qualité. Elle s'étend du mobilier classique pour jardins, terrasses et vérandas, aux réalisations les plus somptueuses pour salons, halls de réception salles de séjour, etc.

Beaucoup de jeunes vanniers, séduits par le travail du rotin, délaissent l'oseraie et la vannerie familiale pour l'atelier d'ameublement. L'exotisme de la matière travaillée, l'originalité et l'abondance des créations, portent à croire, en effet, que cette industrie du rotin est en train de gagner ses titres de noblesse et qu'elle pourrait être appelée au plus bel avenir. Le fléchissement de l'activité vannière est donc compensée à Fayl-Billot, après la guerre de 1914, par l'implantation et le développement de l'industrie du meuble en rotin.

Le produit brut de cette industrie s'avère - proportionnellement à la main-d'œuvre employée - beaucoup plus élevé que celui de l'osiériculture et de la vannerie réunis. En 1929, à la veille de la crise économique, le volume des affaires réalisées dans la région (osier, vannerie et ameublement rotin) représente au total la somme de 12 millions de francs dont 3,5 millions pour la seule industrie du rotin. Or cette industrie n'emploie que 130 personnes environ, alors que la vannerie d'osier en occupe plus de 700 c'est-à-dire cinq à six fois plus (enquête de Monsieur Daniel ELOUARD,ingénieur agronome, professeur à l'Ecole de vannerie au début des années 1930, auteur d'une étude sur l'osiériculture et la vannerie : L'OSIÉRICULTURE ET LA VALERIE EN HAUTE-MARNE - Imprimerie WOLF à ROUEN - 1932.)

Bien que les chiffres parlent en faveur du rotin, rien ne permet toutefois de supposer que cette industrie puisse un jour, malgré son essor, se substituer totalement à la vannerie, en particulier dans le domaine de l'emploi. En attendant, Fayl-Billot connaît au cours des années 1920 une période de prospérité grâce au développement de l'industrie du rotin. Malheureusement, le rayon de soleil qui vient illuminer les lendemains de la guerre sera vite éclipsé la décennie suivante par les sombres nuées de la crise économique et par la tempête de la deuxième guerre mondiale.

La grande crise économique des années 1930.

La crise financière qui éclate aux Etats-Unis à la fin de 1929 devient rapidement une crise économique qui frappe le monde entier et particulièrement les pays d'Europe affaiblis par la guerre de 1914-1918. Partout c'est la récession, dans le secteur agricole comme dans le secteur industriel. La production ralentit et le chômage prend une ampleur inquiétante.

En ce qui concerne la vannerie, la prospérité des années 1925 à 1929 restera exceptionnelle. Dès 1930 les affaires ralentissent et en 1931/1932 la situation devient alarmante. Les prix de l'osier et de la vannerie baissent de 40 à 50 % à la production et à la vente en gros. Les paniers à fraises sont concurrencés par des emballages en copeaux de bois et par des paniers importés à des prix dérisoires. Le marché s'effondre; il représentait jusque là à peu près le tiers du volume de la vannerie fabriquée dans la région.

Le prix moyen du quintal d'osier blanc en lot (toutes tailles de 1 mètre à 2,20 mètres) qui était de 300 F en 1929, descend à 150 F en 1931-1932 et même à 120 F selon la qualité. On arrache les oseraies anciennes et cette fois on ne replante plus. En 1936 la superficie des oseraies du Fayl ne représente plus qu'une centaine d'hectares. Au cours des années 30, les osiériculteurs sont accablés de soucis. De fréquentes gelées de printemps détruisent les jeunes pousses d'osier retardant ainsi la végétation et en conséquence le volume des récoltes. La grêle fait aussi d'importants dégâts certaines années. Mais le pire vient d'une terrible invasion de " MARECHAUX "; ainsi nomme-t-on dans la région la chrysomèle du saule et du peuplier, la " LINA POPULI " dont les larves de couleur grises(" les PETITES BETES GRISES ")dévorent en peu de temps les feuilles des  osiers. Nous parlerons de ces calamités dans le chapitre réservé à l'osiériculture.

Le temps passe et la crise se prolonge désespérément. Le commerce de l'osier et de la vannerie est momentanément arrêté. Les marchands ralentissent leurs achats et les vanniers sont contraints de stocker leurs paniers et leurs corbeilles ou de les vendre à très bas prix.

L'industrie du meuble en rotin n'échappe pas au mouvement de récession. Les commandes s'espacent et le travail languit dans les ateliers.

-La Société Anonyme des " ANCIENS ETABLISSEMENTS MARIUS RAGUET " traverse une période difficile" et la crise économique aggrave encore la situation de cette entreprise industrielle dont le capital social est réduit, en 1930, à la somme de 675.000 F.

-La Maison MINOT passe aussi par de dures épreuves. Deux incendies successifs ravagent ses ateliers. Le premier se déclare en 1930 au n°43 de la Grande Rue et le second en 1934 rue Darboy dans les bâtiments de l'ancienne quincaillerie ANDREZ-BRAJON,devenus le nouveau siège de la fabrique.En 19351 la commune rachètera à Madame MINOT, ses anciens ateliers pour la somme de 15.000 F. Sur leur emplacement sera construit le bureau de Poste au début des années 1950.

Ces événements fâcheux, auxquels s'ajoute la crise économique, incitent Madame MINOT à quitter FAYL-BILLOT. Elle s'associe alors à la Maison DURAIN, une filature de rotin établie à MONTREUIL-SOUS-BOIS (ville située dans le département de Seine-Saint-Denis). Une dizaine de familles et quelques rotiniers célibataires l'accompagnent à MONTREUIL. Certaines personnes reviendront au Fayl quelques années plus tard. Un petit groupe de rotiniers continue de travailler un certain temps au Fayl pour le compte des Etablissements MINOT-DURAIN.

Le déclin de la vannerie ira en s'accélérant après la seconde guerre mondiale et les départs des années 30 seront les signes précurseurs d'un nouvel exode de la jeunesse du Fayl au cours des années 1950 et 60. En 1921, Fayl-Billot comptait 1937 habitants; à la fin de 1936 on n'en dénombrait plus que 1615.

En 1934 la situation de l'industrie du rotin est toujours inquiétante et les industriels du Fayl acceptent de fusionner - pour un temps déterminé -avec la " SOCIETE ANONYME DU ROTIN " dont le siège est à CHAMPIGNY-SUR-MARNE (aujourd'hui département du Val de Marne). Cette importante société d'importation possède une usine de transformation de rotin; elle est dirigée par Monsieur Maurice GANOT. Les rotiniers du Fayl pensent qu'en se groupant avec la S.A.D.R. - leur fournisseur de matières premières - ils seront mieux armés pour affronter la crise. La durée du contrat qui les lie à la S.A.D.R. est fixé à deux ans; il prend effet le 1er novembre 1934 et doit expirer le 31 octobre 1936. Pendant ce laps de temps les rotiniers du Fayl sont placé sous la dépendance directe, administrative et financière, de la S.A.D.R. Toutefois, chaque Maison adhérente au contrat reste propriétaire de ses modèles.

Ce groupement professionnel réunit, outre la S.A.D.R. :

- La Maison PETITOT Père et Fils (Alphonse et Louis) fondée en 1929 après la séparation des deux   frères Louis et Alphonse.

- La Société PAGE et ROBERTY.

- La Société des " ANCIENS ETABLISSEMENTS MARIUS RAGUET ".

Monsieur Louis PETITOT (frère d'Alphonse), installé depuis 1929 dans la maison située à l'angle de la rue Sainte Anne et de la rue du Pavillon (n°l), cède son entreprise industrielle à la S.A.D.R. avec la raison sociale :    " LES ROTINS DE FAYL-BILLOT " .

Les ouvriers rotiniers, environ une centaine, travaillent pour le compte de la S.A.D.R. La plupart sont groupés dans les bâtiments industriels de la Société RAGUET, rue Brugnon; une vingtaine sont employés à domicile.

Mais les affaires deviennent de plus en plus difficiles. En 1935 la S.A.D.R. se voit dans l'obligation de réduire le nombre d'heures de travail; elle en informe le Maire de Fayl-Billot. A partir du 1er août, les ouvriers et les ouvrières employés en atelier ne travaillent plus que 4 jours par semaine, soit 32 heures au lieu de 48.

Le chômage et les dispositions prises par la Municipalité de Fayl-Billot.

La Municipalité de Fayl-Billot s'inquiète de la situation de la vannerie et de l'osiériculture. Dès le mois de mars 1931 elle prend certaines dispositions en vue de procurer du travail aux chômeurs. Les ressources financières de la commune ne permettant pas de constituer un fonds de chômage municipal comme le recommande l'Administration départementale (versement d'une allocation de chômage), le Conseil Municipal décide d'inscrire au budget additionnel de 1931 avec l'accord du Préfet, une somme de 28.000 F. destinée à rémunérer les chômeurs qui accepteront d'effectuer des travaux pour le compte de la commune : réfection des chemins, plantations d'arbres en forêt, abattage et façonnage de bois, travaux divers. De nouveaux crédits seront votés les années suivantes.

D'autre part, la Municipalité émet une série de vœux au cours de sa séance du 11 septembre 1932. Elle décide de les adresser aux parlementaires de la Haute-Marne en les priant de vouloir bien intervenir auprès du gouvernement en faveur de l'osiériculture et de la vannerie, deux activités qui font vivre plusieurs milliers de personnes dans la région. Dans ses vœux le Conseil Municipal demande :

1°- Que soit étudié le moyen de fermer les barrières douanières à l'osier et aux vanneries étrangères qui viennent concurrencer les produits français sur le marché national.

2°- Que les plantations d'osier soient exonérées de l'impôt foncier " devenu insupportable " en ces temps de crise économique.

3°- Qu'il soit accordé à l'osiériculture les " primes de soutien " dont bénéficient déjà certaines cultures menacées par les importations , exemple : la culture du lin, celle du chanvre, l'élevage des vers à soie, etc.

Ces vœux ont-ils été suivis d'effet ? Nous n'avons pas trouvé de document permettant d'apporter une réponse à cette question.

Le chômage continuant de sévir, un décret ministériel en date du 15 février 1935 vient fixer les conditions dans lesquelles les chômeurs peuvent  être occupés à des travaux dans les communes qui ne disposent pas de fonds de chômage (cas de Fayl-Billot).

Cette grande crise des années 30 devait rester gravée profondément dans la mémoire des gens. Rendant visite un jour à un ancien vannier, notre conversation, axée bien entendu sur le métier, aboutit à cette période noire de la vannerie. Je vais essayer de reconstituer ici les propos de cet ami, assez fidèlement je pense tant ils sont encore présents dans mes souvenirs.

" Comment avez-vous vécu cette crise ?

- Au début sans trop d'inquiétude, puis dans l'anxiété. Le temps passa et les marchands, soucieux et prudents, n'achetaient la vannerie qu'au compte-gouttes. Je stockais mes corbeilles (à lessive) dans mon grenier; à la fin il était plein et on avait du mal à ouvrir la porte pour y pénétrer.

" Quels étaient vos moyens de subsistance ?

- On vivait sur soi. On avait les légumes du jardin et du champ, les fruits du verger et le lard dans le saloir. La potée était au menu tous les jours, sauf les dimanches et jours de fête. On élevait des lapins et des volailles et on faisait beaucoup de conserves pour l'hiver. J'aidais les cultivateurs à la fenaison, aux moissons et à la récolte des pommes de terre et des betteraves. En paiement ils me donnaient le lait, le beurre de l'huile de navette et du grain pour les poules. On n'achetait guère que le pain, le sel, le sucre, le café, la farine le vin (en petite quantité !)

" De temps en temps, la femme allait à la Caisse d'Epargne pour retirer un peu d'argent. Mais il faut être prudent quand on puise dans réserve; La crise s'éternisait, on n'en voyait pas le bout !"

" Combien de temps cette situation a-t-elle duré ?

- Environ un an et nous trouvions le temps long et notre courage commençait à faiblir. Certains vanniers, à bout de ressource, allaient à la Mairie et se faisaient inscrire pour avoir du travail. Ils réparaient les chemins, coupaient et fabriquaient du bois pour la commune... " Enfin un jour - c'était quelque temps avant la fête du Fayl - voici un marchand qui se présente à la maison !

" II semble que les affaires vont reprendre, me dit-il, tu n'aurais pas quelques corbeilles à me vendre ?

" Bien sûr que j'en avais des corbeilles, plein le grenier !

" Nous étant mis d'accord sur le prix, il en chargea une douzaine sur son camion.

" Tu vas pouvoir faire la fête, me dit-il en me payant "

" Il revint plusieurs fois à la maison; trois mois plus tard je n'avais plus une seule corbeille dans mon grenier. Je crois que j'aurais pu en vendre deux fois plus ! La situation se rétablit petit à petit, mais pour les vanniers les bonnes années n'étaient plus qu'un souvenir.

En 19371 la phase aiguë de la crise est enfin passée. Au Fayl le bilan est assez lourd; bon nombre de jeunes vanniers ont quitté le métier. Entre 1929 et 1936, le pays a perdu 50 vanniers et 30 rotiniers ce qui représente une diminution des effectifs de 28 % pour la vannerie et 23 % pour l'industrie du rotin. Quatre maisons perpétuent le commerce de l'osier et de la vannerie.

- La Maison L'HERITIER est dirigée par Messieurs Gustave et René L'HERITIER, leur frère Charles étant décédé.

-La Maison CHATEAU a succédé à la Maison CHERREY en 1931 .Elle est gérée par Messieurs Emile et Robert CHATEAU (Monsieur Emile CHATEAU est un ancien élève de l'Ecole de vannerie).                                    La Maison CHATEAU, établie à GRAY est le successeur de la Maison VAUCAIRE, elle même descendante par alliance de la Maison BINET de FAYL-BILLOT. (Maison VAUCAIRE - BINET au XIXème siècle.) Les origines de la Maison BINET remonteraient, semble-t-il, au XVIIIeme siècle. On relève en effet sur les registres paroissiaux du Fayl, un François BINET, marchand, décédé en 1773. Son fils, Nicolas BINET, est aussi marchand au Fayl en 1779. Dans l'acte de succession de François BINET, rédigé le 7 mai 1773, figure un inventaire des marchandises. Le stock est important, on note : 600 cabas ordinaires, 400 petits cabas, 86 vans, 4 grosses en vaisselle de bois tourné (une grosse correspond à douze douzaines) et 400 aunes de toile. Le tout représente la somme de 1.033 livres.

- Monsieur Charles DELAMOTTE a pris la suite de son père décédé.

- Monsieur Charles AUBERTIN - VIARDOT, négociant en osier, a pris la succession de Monsieur Louis VIARDOT, son beau-père.

Quant aux industriels du rotin, ils ont retrouvé leur autonomie de gestion en novembre 1936. Malheureusement, à la suite de tous ces événements, le nombre d'ouvriers rotiniers diminuera encore en 1937 et 1938.

- La Maison PETITOT, père et fils, s'est associée en 1936 à Mr Adrien PAGE; ce dernier se retirera de la Société en 1942. La Maison dispose de la raison sociale - " LES ROTINS DE FAYL-BILLOT " - rachetée en 1936 à la S.A.D.R. Les ateliers PETITOT situés place de la Barre emploient en 1937 - 1938 une quarantaine d'ouvriers et d'ouvrières (Aujourd'hui Maison PIQUEE au n"12).

- La Maison ROBERTY - ROGNON s'installe en 1937 dans un bâtiment construit dans la Grande Rue sur l'emplacement des anciens ateliers MINOT incendiés en 1930. Une quinzaine de rotiniers travaillent pour la Maison ROBERTY.

-La Maison LEGENDRE succède en 1937 aux « ANCIENS ETABLISSEMENTS MARIUS RAGUET » . Monsieur Marcel LEGENDRE achète à cette Société le bâtiment commercial situé à l'angle de la Grande Rue et de la rue de la Perrière (actuelle boulangerie-patisserie LOUVET). Le grand bâtiment industriel construit rue Brugnon en 1925/26 est vendu en 1937 à Monsieur Albert BLOCH qui en fait son dépôt de quincaillerie, puis en 19391 la Société étant dissoute, il acquiert le fonds de commerce avec tous les droits qui s'y rattachent. En 1938/39 une douzaine de rotiniers travaillent à domicile pour les établissements Marcel Legendre.

 

-Monsieur Paul GARNIER a quitté la rue Darboy et s'est installé rue de la Maladière (aujourd'hui numéro 36), il emploie quelques rotiniers.

L'activité vannière se réveille peu à peu. Mais le grand élan est brisé; la foi en l'avenir du métier sort très ébranlée de l'épreuve. Le désappointement est d'autant plus grand que la période de prospérité des années 1920 et l'essor extraordinaire de l'industrie du rotin avaient soulevé de grandes espérances.

 

Documents annexes :

TV Projet de construction de l'Ecole de vannerie dressé en 1906 par Monsieur SAINT-ARNOULT, architecte-voyer à Fayl-Billot.

V et VI Gravures représentant les principales étapes de la construction de l'Ecole de Vannerie.

Sources de documentation :

- Archives municipales

- Monographie de l'Ecole de Vannerie par Jean FONDEUX Directeur de l'Ecole.

- Journal " LA VANNERIE "

- Journal " OSIER - VANNERIE "

-" L'OSIERICULTURE ET LA VANNERIE EN HAUTE-MARNE " de Daniel ELOUARD.

- Témoignages de professionnels de l'osier, de la vannerie et de l'ameublement rotin.

- Documents divers.

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