EVOLUTION DE LA VANNERIE AU DEBUT DU XX  SIECLE

Evolution de la vannerie régionale au cours du premier tiers du XXème siècle.

L'influence de l'Ecole.

Comme nous l'avons vu précédemment, la situation des fabricants de vanneries traditionnelles demeure précaire. Ces vanniers victimes de l'évolution économique sont exposés périodiquement au chômage. En revanche, les vanniers spécialisés dans la confection de certains articles à jour , (corbeilles de bureau, dites aussi corbeilles à papiers et paniers légers à fruits), sont favorisés par l'ouverture d'importants marchés qui vont encore en se développant après l'exposition universelle de 1900. Cette exposition a donné l'occasion aux marchands de vannerie de BUSSIERES et de FAYL - BILLOT de rencontrer leur clientèle française et étrangère, approvisionnée jusque-là par des négociants intermédiaires parisiens. A la suite de ces rencontres des relations directes se sont établies entre marchands haut-marnais et acheteurs français et étrangers au détriment, bien entendu, des intermédiaires parisiens.

Au début du siècle, les vanniers de Bussières fabriquent donc pour l'Angleterre, les Etats-Unis, l'Afrique du Sud et l'Australie, de grande quantités de corbeilles de bureau de forme ronde ou carrée de différentes tailles. Les corbeilles classées en 2ème choix sont destinées, en principe, à la cueillette et au ramassage du coton, tandis que les corbeilles de 1er choix sont utilisées normalement dans des bureaux pour recueillir les papiers à détruire.

Les corbeilles livrées à l'exportation sont emballées soigneusement: elles sont d'abord emboîtées l'une dans l'autre de manière à constituer des piles de 2,20 mètres de longueur (dimension qui correspond à la largeur d'un wagon de chemin de fer). Les piles ainsi obtenues sont ensuite empaquetées par quatre dans une toile de jute cousue. Les corbeilles expédiées aux U.S.A. sont très souvent accompagnées de " balles à lessives " fabriquées au Fayl. (corbeilles à lessive renforcées).

Ces vanneries sont transportées par chemin de fer jusqu'au port d'ANVERS d'où elles sont embarquées sur des cargos à destination des U.S.A. de l'Afrique du Sud et de l'Australie. Les corbeilles expédiées à ces deux derniers pays ont fait l'objet, en principe, de marchés conclus avec des Maisons anglaises. (L'Afrique du Sud et l'Australie sont encore au début du XXeme siècle sous tutelle britannique.)

Dans la région on fabrique aussi à foison des paniers «  ovales à jour »    et également quelques « carrés à jour ». Ces paniers sont classés en deux catégories :

- La première catégorie correspond aux paniers de 1er choix dénommés  " CLAIRS - FINS ". Ces paniers sont presque tous fabriqués à Bussières; ils sont en général réservés à des usages ménagers. Hors de la région vannière on les dénomme parfois " PANIERS à BAGUETTES ". Les tailles les plus courantes s'échelonnent du N°2 au N°5 (longueur du fond de 20 à 40 cm.).

- Dans la seconde catégorie rentrent les paniers de 2ème choix et éventuellement de 3eme choix. Ils sont utilisés pour la cueillette, le ramassage et le transport des fruits. Leurs tailles s'échelonnent comme celles des " CLAIRS -FINS ". Le panier N°2 est utilisé pour les fraises, le N°3 pour les raisins, les cerises et les prunes et les N°4 et 5 pour les pommes et les poires. La plupart des paniers N°3, 4 et 5 sont fabriqués à Bussières; les N°2 (dits paniers à fraises) sont faits au Fayl et dans quelques villages des environs : Rougeux, Savigny, Pressigny, Farincourt, Poinson...

La fabrication des paniers à fraises occupe beaucoup de femmes et un certain nombre de vanniers saisonniers, manouvriers et petits cultivateurs. Hommes, femmes et enfants s'attellent à la tâche, chacun ayant son emploi bien défini; c'est le travail à la chaîne ! Quelques familles bien organisées parviennent à fabriquer quotidiennement plusieurs dizaines de paniers qui sont payés - avant la guerre de 1914 - 25 à 30 centimes pièce, osier compris.

Les paniers à fraises sont liés par paquet de vingt (la glane). Ils sont ramassés par les marchands grossistes et stockés dans des granges et des greniers en attendant les commandes qui arrivent en mars et en avril. Des chariots " rebondis " les transportent jusqu'aux gares les plus proches des lieux de stockage : Charmoy pour les marchands du Fayl, Chalindrey ou Mâatz pour ceux de Bussières, ou encore Laferté et Hortes pour quelques uns. Dans un wagon de chemin de fer on entasse une centaine de glanes soit 2.000 paniers. Tous les ans à la saison des fraises, des dizaines de wagons partent des gares de la région transportant leur chargement de paniers vers le midi de la France (région de CARPENTRAS principalement). Quelques uns sont dirigés vers les halles de PARIS. Les paniers d'emballage sont vendus en général à des mandataires qui agissent pour le compte des producteurs de fruits.

La fabrication en grande série des corbeilles de bureau et des paniers à fruits durera jusqu'à la fin des années 1920. Les vanniers bussièrois seront bientôt concurrencés par des vanniers d'Europe centrale qui vendront des articles similaires moins solides, mais à bon marché. Les vanniers polonais fourniront des corbeilles à papiers en rotin brut, assez grossières, mais très robustes qui, rapidement, supplanteront les corbeilles françaises sur les marchés. Quant aux paniers à fraises et autres emballages légers, ils seront remplacés peu à peu par les barquettes et les cageots de bois déroulé, légers et facilement emboîtables, fabriqués industriellement à bas prix. La commercialisation des fruits et légumes dans des emballages "perdus " s'avérera donc avantageuse : elle diminuera sensiblement le coût du conditionnement et réduira également les frais de transport en supprimant le renvoi des emballages vides aux producteurs de fruits et légumes. La vannerie haut-marnaise perdra définitivement ses débouchés agricoles à la fin des années 1940.

Au début du XXème siècle on fabrique aussi dans la région beaucoup de berceaux pour enfants et pour poupées et des " MOÏSES ", sortes de coquilles d'osier en "  plein " ou à " jour " qui sont utilisées comme berceaux portatifs. Ces articles sont vendus garnis de tissus dans les grands magasins de PARIS et de province. Après la guerre de 1914, la vogue des petits lits de bois laqué portera préjudice à ce genre de vannerie.

L 'Ecole : que devient-elle/ que fait-elle ?

Dès sa transformation en Ecole Nationale elle s'attache à donner à ses élèves un enseignement général de bon niveau et une formation professionnelle théorique et pratique aussi complète que possible. Les élèves apprennent à cultiver rationnellement l'osier, à sélectionner les espèces et les variétés, à planter et à entretenir correctement une oseraie. 

L'enseignement porte aussi sur tous les genres de vannerie : vannerie fine d'osier rond et " d'éclisse " (spécialité de la THIERACHE), vanneries de fantaisie réalisées avec diverses matières (vanneries parisiennes et meusiennes), grosse vannerie d'osier blanc en " plein"  et à " jour ", vanneries d'emballage, vanneries agricoles, vanneries industrielles, etc.

En 1910, le nouveau Chef de fabrication. Monsieur Emile VIARD, est en stage à LICHETENFELS (Allemagne).L'Ecole de Vannerie de Fayl-Billot a entretenu des relations avec l'Ecole de LICHETENFELS au cours des années 1950 et I960. Son Directeur, Monsieur WILL, était présent aux cérémonies du cinquantenaire de l'Ecole de Fayl-Billot.

 Cette région vannière de Haute-Franconie est spécialisée dans les travaux de vannerie fine et dans la fabrication des meubles en rotin. Une école de vannerie vient d'y être créée à l'instar de celle de Fayl-Billot. De retour en France, en 1911, Monsieur VIARD est chargé d'organiser à l'Ecole l'enseignement de la « VANNERIE DE LUXE », ainsi dénomme-t-on cette branche particulière de l'ameublement que certains procédés de fabrication apparentent à la vannerie, (tissage et cannage en particulier).

Monsieur Gaston BOUTON, vannier à CADENET (Vaucluse), est nommé contremaître de «  VANNERIE DE LUXE »  . Démissionnaire en 1913, il est remplacé par Monsieur Robert DUCHENE.

Alors commence au Fayl le travail du rotin.

Monsieur Marcel BAILLI, ancien élève de l'Ecole de Vannerie, ouvre en 1911 un petit atelier de fabrication de meubles dans une maison située Grande Rue (maison portant aujourd'hui le n°6). Il travaille en ce lieu, avec deux compagnons jusqu'en 1913.

A la même date ,1911, Monsieur Marins RAGUET crée, lui aussi, une entreprise de vannerie et de meubles en rotin au numéro 36 de la rue Brugnon. La qualité et l'élégance des meubles réalisés dans les ateliers RAGUET sont vite reconnues, mais la guerre de 1914 condamnera au sommeil cette activité naissante; elle sera reprise avec dynamisme en 1919.

Indépendamment du cadre scolaire, l'Ecole accueille aussi des vanniers en stage de recyclage et de perfectionnement d'une durée de quelques semaines.

Au cours des années 1910, 1911 et 1912, la mévente des corbeilles à lessive et des paniers " crocanes " (paniers ovales en " plein ", très utilisés par les bouchers-charcutiers) incite quelques vanniers du Fayl à aller à l'Ecole pour y apprendre la fabrication d'autres types de vanneries.

Ces vanniers et les anciens élèves de l'Ecole parviennent à introduire dans la gamme des fabrications locales de nouveaux articles faisant jusque là défaut : malles de voyage, valises, toilettes (dites marseillaises), huches à pain, paniers à linge, articles de vannerie fine, corbeille de table, corbeilles à ouvrage, paniers à provisions, lucettes, mandelettes, glaneuses, etc. (Au début du siècle, très peu de vanniers de la région "taquent le carré" . Taquer le carré", signifie : tresser " en plein " des paniers et des corbeilles de forme carrée ou rectangulaire.)

La vannerie fine, bien connue des marchands vanniers de Fayl-Billot et de Bussières, ne se développera que très lentement dans la région; elle intéressera surtout une main d'œuvre féminine. Cependant, au début du XXème siècle, on trouve exceptionnellement quelques familles vannières bussièroises sachant confectionner des vanneries fines " d'éclisse " semblables à celles d'ORIGNY-EN-THIERACHE, la capitale française de ce genre de vannerie. A la même époque. Monsieur Joseph JEANJEAN - un vannier lorrain établi au Fayl depuis 1890 - façonne dans la tradition de son pays de merveilleuses petites vanneries, des corbeilles et des paniers " à jour " avec bordure " crantée " ou " nattée " et divers objets de " lacerie " qui sont très recherchés.

 

LES DEBUTS DE L'ECOLE DE VANNERIE

vannerie fine

L'atelier de vannerie fine installé dans l'ancien ouvroir.

èlèves au travail

FAYS-BILLOT (Haute-Marne). Elèves au travail dans l'atelier situé au rez-de-chaussée de la partie centrale du bâtiment.
(période 1909 à 1914 vraisemblablement. On remarque les lampes à pétrole; l'électricité n'est installée à Fayl-Billot qu'à partir de 1912).

L'Ecole organise aussi des cours publics d'osiériculture, d'horticulture et de vannerie dans le but de venir en aide aux vignerons des villages de l'Amance frappés par la crise viticole. (Attaques destructrices du vignoble par le phylloxéra). Le Directeur, Monsieur Eugène LEROUX, veut par cette action engager les vignerons à diversifier leurs activités et à se donner les moyens de combattre contre la crise en produisant des légumes, des fruits, de l'osier et en fabriquant éventuellement de la vannerie pendant l'hiver. Des conférences sont données dans les cantons de BOURBONNE, VARENNES et LAFERTE. Une section de vannerie est ouverte à COIFFY-LE-HAUT pendant l'hiver 1910-1911; l'animation en est confiée à un ancien élève de l'Ecole, Monsieur Just IGNARD.

L'espoir renaît chez les vanniers et un mouvement de redressement se dessine enfin. On entreprend le rajeunissement du patrimoine osiéricole; beaucoup de vieilles oseraies sont arrachées et remplacées par de nouvelles plantations. La gamme des articles de vannerie se rajeunit et s'étend; l'industrie du meuble de rotin s'engage sur une voie prometteuse. L'avenir de la vannerie haut-marnaise semble assuré, quand soudainement éclate en 1914 le premier grand conflit mondial.

La guerre de 1914 - 1918

La mobilisation générale et l'invasion allemande, dès les premiers jours des hostilités, perturbent toute l'économie du pays et affaiblissent l'agriculture et les industries. Tous les hommes dans la force de l'âge sont aux armées. Les vanniers qui restent à la maison pour raison d'âge ou de santé s'emploient du mieux possible, avec l'aide des femmes et des adolescents, à entretenir les oseraies et à assurer les récoltes. Beaucoup de vanniers travaillent pour l'armée et les industries affectées à la défense nationale. On fabrique au Fayl et dans la région des dizaines de milliers de  bannetons de troupes . Ces bannetons ronds sont destinés à la confection des boules de pain de 1,5 kg qui constituent la ration du soldat pour deux jours. On fabrique également divers paniers de manutention et des " paniers de soldats " qui servent à transporter les gamelles.

L'état d'inquiétude qui règne en ce temps de guerre provoque un ralentissement général du commerce. Il s'ensuit une baisse des cours de l'osier et de la vannerie qui oscille entre moins 15 et moins 25 pour cent. L'occupation des départements du Nord, de l'Aisne, de la Somme, des Ardennes, de la Marne et de la Meuse, prive la France d'une bonne partie de ses ressources en osier et en vannerie. Les stocks s'épuisent et la clientèle, dont l'intendance militaire, se tourne obligatoirement vers les centres de vannerie susceptibles de répondre à leurs besoins. A partir de 1916 les cours de l'osier et de la vannerie remontent et suivent la courbe de l'inflation.

Pendant la guerre l'Ecole fonctionne sans interruption avec des maîtres recrutés à titre provisoire. Le Directeur mobilisé à la garnison de Langres, continue de diriger l'Etablissement. L'Ecole poursuit donc sa mission et s'applique de surcroît à venir en aide aux soldats meurtris dans leur chair lors des combats. Elle accueille à partir de 1915 des mutilés et des grands malades de guerre dont un contingent de soldats Serbes. Des stages de rééducation professionnelle d'une durée de trois à six mois sont organisés. De 1915à 1923 plus de deux cents mutilés sont reçus à l'Ecole; un certain nombre (une douzaine environ) se marieront à Fayl-Billot et y exerceront le métier de vannier ou de rotinier. Cette œuvre sociale est très appréciée et vaut à l'Ecole la considération de la population locale.

Après la guerre l'enseignement professionnel est confié à des maîtres, anciens élèves diplômés de l'Ecole. Sont nommés :

En 1919, Monsieur Robert DUCHENE, Chef de fabrication, chargé de l'enseignement de la vannerie fine ( déjà contremaître de vannerie en 1913).

- Monsieur Albert LEPINE, Chef de pratique de vannerie de luxe.

- Monsieur Jules CHEMIN, Chef de pratique osiéricole et horticole et en 1925, Monsieur Albert GIGOT, Chef de pratique de grosse vannerie.

Tous ces enseignants feront carrière à l'Ecole.


Retour page d’accueil                                                                                                                    Retour