FAYL - BILLOT AU COURS DES SIECLES
SA VANNERIE

A LA RECHERCHE DES ORIGINES

Nous avons vu que l'histoire de la vannerie remonte aux premiers âges de l'humanité. Partant de cette certitude on peut imaginer que les tribus nomades du Néolithique, dont on a retrouvé des traces sur le territoire du Fayl et sur celui de Charmoy, savaient confectionner à partir de tiges et de fibres végétales les ustensiles et les récipients rudimentaires indispensables pour l'accomplissement de leurs tâches domestiquer.

Ces vanneries primitives ont été détruites par l'usage ou ont été enfouies fortuitement dans des sols généralement peu propices à leur conservation. Aucun vestige, aucun fragment de vannerie n'a été retrouvé jusqu'à présent sur les sites préhistoriques de notre région, ni à Frettes station la plus ancienne, ni à Farincourt.

La station de Frettes est classée dans le Paléolithique moyen: 50.000 ans environ avant J.C. Celle de Farincourt, moins ancienne, appartient au Paléolithique supérieur et au Néolithique : 10.000 à 5.000 ans avant J.C.

Par chance,la station néolithique de la VERGENTIERE à Cohons a livré aux archéologues des disques de terre cuite appelés "plats à pain" qui présentent sur une face des empreintes de vannerie. Ces empreintes laissent supposer que ces "galettes" de terre étaient mises à sécher sur des claies avant leur cuisson. Il s'agit là, probablement, des plus anciennes traces de vannerie découvertes dans le sud haut-marnais (3300 ans environ avant J.C.) (2)

Les Celtes et les Lingons de l'âge du Bronze et de l'âge du Fer, (3) plus tard les colons gallo-romains qui s'établirent sur la terre du Fayl aux lieux-dits "CLONJON, LES VARENDAUX, LE CHATELET", fabriquèrent et utilisèrent, sans aucun doute, des vanneries déjà très élaborées.

2) et (3) Monsieur Louis LEPAGE, Docteur en archéologie. Il était une fois... en Haute-Marne. Tome I: "LA PREHISTOIRE" Tome II : "L'AGE DU BRONZE ET LES CELTES". - 1991 - 1993 -

Les envahisseurs burgondes venus s'installer en pays Lingon vers le VIème siècle de l'ère chrétienne, adoptèrent assez facilement le mode de vie des gallo-romains et fusionnèrent progressivement avec la population indigène. Artisans habiles, principalement dans le travail du fer et du bois, ils introduisirent des techniques et des types de fabrication particuliers dans, beaucoup de domaines et vraisemblablement dans celui de la vannerie.

Nous arrivons au Moyen Age, cette longue période de l'histoire qui s'étend de la fin du Verne siècle jusqu'au milieu du XVème et demeure localement assez obscure jusqu'au XIIème siècle.

 Au Xème siècle un Seigneur du Fayl fait don de terres et de bois à l'Abbaye de MONTIERAMEY (Aube) pour que soit fondé un Prieuré sur son domaine. Quelques moines Bénédictins viennent donc s'installer au Fayl, au creux du vallon, à proximité du ruisseau. La forteresse féodale bâtie sur la hauteur d'un versant de la vallée, assure la protection du Prieuré et surveille une grande partie des terres du Seigneur.

" IMAGINONS LA SUITE ... "

Sous l'influence de ces religieux très actifs et détenteurs d'un certain savoir se développent l'agriculture et un artisanat rural. Un village naît et s'étend autour du Prieuré et le long du ruisseau (quartiers actuels du Vau et de la rue Reby). Petit à petit il s'agrandit et gagne les versants du vallon dénommés :les VIAUX, les ROCHER, le MONT D'OLIVOTTE, la PERRIERE...

Les Viaux :mot issu du latin Via devenu voie au XII siècle ;les Viaux :les voies, les chemins.                      La Pérriere :nom bourguignon de la carrière où l’on extrayait la pierre.                              

La butte du château est déjà occupée par les serviteurs du Seigneur et les paysans qui cultivent ses terres. La population du Fayl s'accroît. Vers le XIIème siècle un marché est établi le jeudi de chaque semaine et au XIVème siècle une foire annuelle est instituée le jour de la Saint-Clément (23 novembre). Marchés et foires encouragent les rencontres, facilitent les échanges et développent les courants commerciaux, alors que les échoppes de marchands sont encore rares, surtout dans les villages.

Comme toute communauté assez importante (A la fin du XIVème siècle on comptait au Fayl 120 feux soit 500 habitants environ),celle du Fayl compte dans son sein des représentants des principaux métiers; des vanniers y sont présents, sans aucun doute. Beaucoup de paysans savent tresser corbeilles, hottes, "charpeignes" et paniers rustiques divers dont ils font grand usage; cependant la confection de certaines vanneries d'osier aux techniques plus délicates - vans et cabas par exemple - requiert des mains expertes qui ne peuvent être que celles de vanniers professionnels ou semi-professionnels : paysans fabriquant de la vannerie pendant l'hiver.

La matière première est à la disposition des vanniers. L'étroite vallée qui s'étend du lieu-dit "La GORGE" jusqu'au "CHATELET", les nombreuses "noues" au sol gras et très humide que l'on voit dans la plaine, sont propices à une végétation spontanée de saules et d'arbrisseaux sauvages dont on peut tirer parti en vannerie. La grande forêt toute proche fournit aussi aux gens du Fayl le "mort-bois" que le Seigneur consent à leur abandonner.

En plus des besoins locaux, il y a aussi les débouchés offerts par les villes proches. LANGRES, l'antique cité lingonne, la capitale gallo-romaine, est à quelques lieues du Fayl. Un nœud routier important (anciennes voies romaines réaménagées) fait de cette ville un carrefour inévitable par où passe une grande partie des échanges entre le Sud, le Nord, l'Est et l'Ouest.

Le commerce y est très actif. Trois foires annuelles sont instituées au début du XIIIème siècle en plus du marché hebdomadaire. Messieurs Paul MEJEAN et Marcel HENRIOT, auteurs de l'ouvrage : LA HAUTE-MARNE - édité en 1958 nous disent a ce sujet :

" Le terrier de 1334 nous est précieux; il a apporté jusqu'à nous l'un des aspects les plus singuliers de la vie langroise au Moyen Age. "

 " Les jours de foire étaient animés et le commerce y était plus varié. Toute la petite industrie régionale était là : cordonniers et mégissiers comme drapiers qui doublaient les vendeurs de BOIGE. On y rencontrait en effet, à côté des marchands de "gros pains" ou de gâteaux, des vinaigriers et des marchands de semences, des serruriers, des bonnetiers, des fabricants de jougs, des vendeurs de bardeaux et de vitres pour les maisons, enfin des VANNIERS... "

D'où venaient-ils ces marchands de vannerie ? Champagne, de Lorraine, de Bourgogne, du Fayl peut-être ?

Dans ce bourg toutes les conditions étaient réunies pour permettre à quelques paysans d'exercer une activité vannière. La matière première était disponible sur place, et l'écoulement de la production pouvait se faire par l'intermédiaire des marchands ambulants qui sillonnaient la région et fréquentaient assidûment les marchés et les foires.

Nous n'avons pas trouvé de réponse à cette interrogation.

XVII ème siècle. LA NAISSANCE D'UNE TRADITION.

Selon l'Abbé BRIFFAUT, la culture et le tressage de l'osier auraient débuté à Fayl-Billot et dans la région vers la fin du XVII ème siècle, après la guerre de Franche-Comté. Certains écrits postérieurs à cette période très troublée (1636 à 1660) parlent, en effet, d'une activité vannière qui aurait été introduite dans le pays par les ermites de SAINT-PÉRÈGRIN. L'Ermitage de SAINT-PEREGRIN était situé dans les bois de Poinson-lès-Fayl, près du chemin qui conduit à Savigny. A son emplacement se trouve aujourd'hui une ancienne ferme. D'après une légende, cet Ermitage -un des principaux du Diocèse de Langres- aurait été fondé au Moyen Age. Plus ou moins délaissé au cours des siècles, il était habité dans la seconde moitié du XVIIème siècle par un garde chapelle.

SAINT-PÉRÈGRIN : dénomination venue de "SANCTUS PÉREGRINUS" le Saint voyageur, fondateur de l'Ermitage.

En 1670, un pieux anachorète, nommé JEAN-JACQUES choisit Saint-Pérègrin pour lieu de retraite et s'y installe avec l'agrément du grand Vicaire de l'Evêché de Langres. Il en devient le supérieur.

Frère JEAN-JACQUES était le fils naturel du Roi Henri IV et de Jacqueline de BREUIL, Comtesse de MORET. Militaire, il participa en 1632 au siège de Castelnaudary où Henri II de Montmorency fut vaincu et fait prisonnier. Après ce siège il décida de se retirer du monde et embrassa l'ordre des Ermites de Saint Jean-Baptiste. Après avoir demeuré en divers Ermitages, il se rendit en Italie, en Lorraine, puis vint en Bourgogne.(région de Mirebeau) avant de se retirer à Saint-Pérègrin.

(Abbé Briffaut - Histoire de Fayl-Billot - Notices sur les villages du canton).

Sous l'autorité de ce religieux très érudit, les ermites et les novices admis à Saint-Pérègrin s'adonnent aux travaux manuels. Ils apprennent différents métiers et fabriquent des bas, des bonnets, de l'estame (ouvrage de fils de laine), des sangles, des images pieuses, des PANIERS et des CORBEILLES d'osier "finement ouvragés". Tous les jeudis, un frère se rend au marché du Fayl pour y vendre les objets fabriqués. Il rapporte à l'Ermitage les provisions pour la semaine. Les marchandises invendues sont cédées à des colporteurs ou données aux personnes qui viennent à l'Ermitage.

En 1676, frère JEAN-JACQUES décide, pour des raisons personnelles de changer de retraite. Il se retire en Anjou où il décède en 1691. (Abbé Briffaut)

Nous pensons que les ermites de Saint-Pérègrin apprirent aux habitants des villages voisins, la manière de cultiver rationnellement l'osier, de créer des "SAUSSAIES" (oseraies) et de fabriquer des objets de vannerie différents des vans, des cabas et des paniers traditionnels. Sur l'initiative de ces religieux soucieux sans doute de venir en aide à une population fortement éprouvée par les guerres et toutes leurs séquelles- serait né un centre de fabrication de vannerie. Leur action aurait répondu, tout bien considéré, aux intentions du Ministre Colbert : régénérer les industries françaises et ranimer l'économie des régions ruinées par les guerres. Cette activité devait prendre localement, par la suite, une importance considérable et devenir une véritable industrie au cours du XIXème siècle.


 Frère Jean-Jacques, Supérieur des Ermites de St Pérégrin (1670-1676)
.

                                                                

Cependant une lecture attentive des plus anciens registres paroissiaux du Fayl (1669 à 1704) nous incite à penser qu'un noyau de vanniers existait déjà au Fayl bien avant l'arrivée de JEAN-JACQUES à Saint-Pérègrin. Ces vanniers auraient été dispersés sans doute durant la guerre de Franche-Comté.

En 1669, soit un an avant la venue de JEAN-JACQUES, on relève sur le premier registre les noms de deux vanniers :

 - Acte de baptême. " Simon, fils de Jean MONFILS vannier demeurant au Fayl et de Mongette DROUHIN sa femme, de part et d'autre, a été baptisé ce jourd'huy neuvième jour avril 1669..."

- Acte mortuaire. " Philibert POINSENOT vannier demeurant au Fayl, âgé d'environ soixante ans est mort ce jourd'huy cinquième octobre mil six cent soixante et neuf et a été inhumé ce même jour au cimetière de céans..." (voir document annexe n°III)

Sur ces registres figurent les actes mortuaires de plusieurs vanniers assez âgés qui, vraisemblablement exerçaient le métier avant 1670. On remarque aussi en l674, l'acte de décès de Bernard CAULLET marchand vannier âgé de 65 ans; assistait au convoi funèbre Claude LAGE aussi marchand vannier.

Les vanniers du Fayl dans l'ordre de leur apparition sur les registres paroissiaux de 1669 à 1700.

Date de l'apparition

 

 

Date du décès

Age au décès

1669

MONFILS Jean

?

 

 

-

POINSENOT Philibert

1669

60 ans

l67l

MONFILS Jean (père du précèdent)

1671

60 ans

1673

VIARDOT Humbert

1694

54 ans

1674

CAULLET Bernard marchand vannier

1674

65 ans

-

LAGE Claude marchand vannier

?

 

 

-

DOUSSOT Pierre

1714

72 ans

1675

POINSENOT Nicolas

?

 

 

1676

GUIOT Claude

1714

75 ans

-

POINSENOT Claude

1676

?

1677

AUBRIOT Nicolas

1694

55 ans

1678

ROUGETET Pierre

?

 

 

-

COCAGNE Nicolas

1695

47 ans

-

RUAULT François

?

 

 

1679

POINSENOT Martin

1679

55 ans

-

MASSIN Jean-François

?

 

 

-

CHALOCHET Antoine

1720

80 ans

1683

ROUGETET Jean

?

 

 

1684

MONFILS Jean (le jeune)

?

 

 

1686

CAULLET Mammès

?

 

 

1688

LAMBERT Pierre

?

 

 

1689

CAULLOT Claude

?

 

 

-

ROUGETET Grégoire

?

 

 

1690

VIARDOT Hubert

1748

?

1692

GUYOT Hubert

?

 

 

-

MONGIN Noël

?

 

 

1693

MONGIN Jean

?

 

 

1694

POINSENOT Estienne

1731

63 ans

1697

CHALOCHET François

?

 

 

1700

ROUGETET Barnabé

vers 1730

 

 

 

Cette liste est probablement incomplète. Les professions ne sont pas toujours mentionnées dans les actes religieux et les deux terribles incendies qui détruisirent entièrement le bourg en 1668, puis en 1687, obligèrent une grande de partie de la population à déserter le Fayl et à chercher refuge dans les villages des environs.

Dans le dernier quart du XVIIème siècle on trouve aussi des vanniers:à Bussières et à Poinson. (1)

(1) FOURTIER Gilles. LA VANNERIE A JOUR DE BUSSIERES-LES-BELMONT:Folklore de Champagne. N"95 octobre-novembre 1985

XVIIIème siècle. UNE IMPLANTATION PROGRESSIVE.

Après toutes les calamités qui ruinèrent Fayl-Billot et la région au cours du XVIIème siècle, le relèvement de l'économie locale et le redressement démographique prennent beaucoup de temps. Les deux premières décennies du XVIIIème siècle sont encore jalonnées de difficultés qui retardent toute évolution. Des hivers rigoureux; des années de sécheresse en alternance avec des périodes pluvieuses, affectent l'agriculture. Les récoltes sont souvent mauvaises et les céréales, bases de l'alimentation, font l'objet de spéculations; leurs prix montent en période de soudure de façon vertigineuse. Les disettes avec le cortège d'épidémies aggravent encore la situation.

Les disparités sociales sont très marquées. Les " petites gens " et principalement les " nouveaux venus " au Fayl (?) n'ont pour subsister que leur salaire journalier quand ils trouvent du travail et les aumônes des riches. Durant ces périodes difficiles, les petits artisans, les tourneurs sur bois, 3 sabotiers, les tisserands en toile, les vanniers, etc. n'ont pas un sort enviable.

Au XVIIIème siècle les ressources naturelles en matières premières (végétaux sauvages) s'avèrent très vite insuffisantes. L'essor de la vannerie est donc lié au développement de la culture de l'osier. Peu de vanniers possèdent une " SAUSSAIE " et la plupart doivent s'adresser aux propriétaires terriens (nous l'imaginons) soit pour leur louer une oseraie, soit pour leur ache ter la matière première dont ils ont besoin pour travailler. Or, à cette époque toutes les terres labourables sont encore réservées aux cultures vivrières et en priorité aux céréales. Les prairies peu importantes fournissent difficilement le fourrage au bétail; la foret communale supplée heureusement à cette insuffisance. La terre est très chère et seuls quelques propriétaires terriens peuvent créer des "SAUSSEES". L'osier est planté généralement en têtards sur des sols pauvres difficiles à travailler : marécages, terres fortes très argileuses.

Dans la seconde moitié du siècle la situation s'améliore sensiblement Les petits paysans, les artisans, peuvent peu à peu acquérir un toit et un lopin de terre. Le gouvernement royal influencé par les " physiocrates " encourage l'agriculture et décide d'exonérer des dîmes et de toutes les redevances les terres nouvellement défrichées. Ces dispositions exceptionnelles incitent quelques propriétaires à mettre en valeur des sols très humides, à les drainer et les planter en osier (la Papeterie). Malheureusement, les encouragements au de défrichement aboutissent parfois à des entreprises inconsidérées. C'est ainsi que des propriétaires fonciers n'hésitent pas à déboiser à outrance pour augmenter la superficie de leurs terres cultivables sachant que les terrains défrichés n seront pas soumis à l'impôt. Tant et si bien qu'au Fayl, à la veille de la Révolution, presque tous les bois privés ont disparu ; il ne reste que le Bois des Nonnes appartenant à l'Abbaye de Belmont, le Bois Banal propriété du Seigneur Fayl et la forêt communale " surexploitée ".

A partir de 1730-1740 le commerce prend de l'extension. Les chemins, en très mauvais état après la guerre de Franche-Comté, ont été réparés petit à petit. Ce travail a exigé de gros efforts financiers et la mise en application de l'ancien système des réquisitions et des corvées (prestations en nature imposées aux contribuables). Au milieu du siècle on construit les grandes "routes royales" sous la direction des ingénieurs des Ponts et Chaussées.      Un service public des Ponts et Chaussées est créé en 1716 et une école d'ingénieurs est ouverte en 1747.

Langres est située au carrefour de trois routes très empruntées : celle de Paris à Baie qui passe à Fayl-Billot, celle de Chalon-sur-Saône à Sarreguemines via Dijon et Montigny-le-Roi et celle de Saint-Dizier à Lausanne par Gray et Besançon. Beaucoup de marchandises sont dirigées vers Gray port important sur la Saône, point de rencontre entre le Nord, l'Est et le Midi de la France. Ce rayonnement des routes et la proximité de la Saône facilitent les échanges et favorisent l'implantation et le développement de quelques industries dont la vannerie.

Au XVIIIème siècle on trouve au Fayl beaucoup de négociants: marchands tanneurs, marchands de fer, marchands de blé, marchands épiciers marchands de drap et de toiles, etc. Un certain nombre de marchands ambulants vendent les produits régionaux : toile de chanvre, bois tournée chaises paillées vanneries et quelques articles de boissellerie provenant des Vosges et du Jura. Vers la fin du siècle quelques uns de ces commerçants ambulants prennent la dénomination distincte de " MARCHANDS-VANNIERS ".

Les fabrications se diversifient un peu. Les " MANDELIERS " et les " FAISEURS DE VANNERIES A JOUR " sont de plus en plus nombreux au sein de la communauté vannière du Fayl. La grande difficulté pour les vanniers réside toujours dans l'approvisionnement en osier.

A la fin du XVIIIème siècle on recense sur le territoire du Fayl 94 " SAUSSAIES " représentant une superficie totale de 15,5 hectares (34 arpents). La plus grande parcelle dépasse 4 hectares; elle appartient au sieur MUTEL propriétaire de la ferme de la Papeterie. Quatre parcelles approchent les 50 ares et quarante sept mesurent moins de 9 ares; les plus petites atteignent à peine un are.

Les vanniers en chiffres de 1701 à 1790 (d'après les registres paroissiaux)

 

 

Périodes

 

 

1701 à 1730

1731 à 1760

1761 à 1790

Evaluation du nombre de vanniers en activité au cours de chacune des trois périodes comprises entre 1701 et 1790.

15 à 25

25 à 40

35 à 45

Marchands de vannerie et autres produits régionaux.

?

3

7

XIXème siècle. LE GRAND ESSOR.

Dans la région de Fayl-Billot le XIXème siècle est considéré - avec raison - comme le " grand siècle de la vannerie ". A partir de 1860 la culture de l'osier et la vannerie se développent dans tout le canton de Fayl-Billot et dans de nombreux villages des cantons de Laferte-sur-Amance, de Varennes, de Neuilly-l'Evêque, de Langres, de Longeau, de Prauthoy et de Vitrey en Haute-Saône. L'élan est considérable et à la fin du siècle plusieurs milliers de personnes vivent de l'osier et de la vannerie. Cette industrie régionale a pour épicentre le triangle : Fayl-Billot, Bussières-lès-Belmont, Poinson-lès-Fayl.

Jusque vers 1830 l'activité stagne, rien ne laisse encore prévoir un tel essor. Aux guerres ruineuses de la Révolution et de l'Empire suivent les années sombres de 1815 à 1818. La présence des armées d'occupation sur notre sol, les disettes et les épidémies (choléra) anéantissent tous les efforts de redressement. L'argent est rare, le commerce vit au ralenti et le chômage touche le monde ouvrier, principalement les tourneurs, les chaisiers et les vanniers. Pour occuper les chômeurs la municipalité ouvre un " atelier de charité " et entreprend avec cette main d'œuvre occasionnelle, la réparation des rues du village et des chemins communaux.

Dans le second tiers du siècle se dessine enfin une reprise des affaires, mais la crise économique et politique de 1847-1848 bloque encore le processus de relèvement du pays et engendre une fois de plus le chômage. Les principales victimes de ces événements sont toujours les mêmes personnes. On rouvre " l'atelier de charité " et on donne aux chômeurs des tâches diverses; on entreprend l'aménagement de la promenade du Bois Banal.

Ces difficultés surmontées, la vie reprend peu à peu un cours normal jusqu'à la guerre franco-allemande de 1870-1871. Les mauvaises récoltes des années 1872-1873, la présence des armées ennemies, l'indemnité à payer aux vainqueurs, enfin la production mal maîtrisée de la métallurgie haut-marnaise, déclenchent une nouvelle crise économique qui affecte particulièrement notre département. Au XIXème siècle, quand l'agriculture et la métallurgie haut-marnaises sont grippées, tout le monde tousse !

Malgré ces perturbations politico-économiques répétées, l'industrie vannière progresse régulièrement et fait un bond prodigieux au cours des dernières décennies du siècle. En 1836 les vanniers du Fayl sont une soixantaine; vers l860 on en dénombre 140 et près de 300 en 1891. A cette date la courbe ascendante est à son apogée; cinq ans plus tard, an 1896, s'amorce déjà un fléchissement que les deux guerres mondiales et la grande révolution technologique du XXème siècle ne feront qu'accentuer.

Cette évolution spectaculaire de la vannerie haut-marnaise au XIXème siècle est due à la conjonction de trois facteurs favorables :

-La création de nouveaux réseaux de communication.

-Le morcellement des terres

-La présence d'une main-d'œuvre disponible en milieu rural.

Les communications. La réfection des grandes routes (400 km. en Haute-Marne au milieu du XIXème siècle), la construction de 300 km. de routes départementales et la mise en service de 1.600 km. de chemins vicinaux,(l) permettent aux marchands ambulants et aux rouliers de mieux atteindre les villages et les villes de la région et de pénétrer plus avant dans les provinces voisines. La plupart des marchands ambulants du Fayl descendent jusqu'à Lyon. Leur itinéraire passe par Dijon et les villes situées sur la Saône. Quelques uns empruntent le couloir rhodanien, la grande voie naturelle des courants d'échanges Nord-Sud.

(1) Dictionnaire de la Haute-Marne - Emile JOLIBOIS - l86l.

L'extension du réseau routier constitue un réel progrès, certes, mais c'est surtout la création des grandes lignes de chemin de fer qui fait prospérer les industries régionales. La ligne de Paris à Bale et la ligne de Balesme à Gray par Chalindrey sont inaugurées en 1858. La ligne de Chalindrey à Is-sur-Tille et Dijon est terminée en 1877 et celle de Chalindrey à Neufchâteau et Nancy en 1884.

Dès lors plusieurs gares s'ouvrent au commerce de l'osier et de la vannerie :celle de Chalindrey, véritable plaque tournante ferroviaire de l'Est de la France, les stations de Charmoy-Fayl-Billot et de Laferté-sur-Amance sur la ligne de Paris à Baie et celle de Maâtz sur la ligne de Chalindrey à Gray. Les marchands-vanniers abandonnent peu à peu les routes. Ils vendent leurs marchandises par correspondance et les expédiant par le chemin de fer dans toute la France et même à l'étranger.

Des échanges se font entre marchands de vannerie haut-marnais et marchands de vannerie de THIERACHE (Aisne) et de LORRAINE (Meurthe-et-Moselle). Grâce au chemin de fer la vannerie haut-marnaise trouve de nouveaux débouchés. Elle subit en revanche la concurrence étrangère; les courants commerciaux ne sont pas à sens unique !

La progression des demandes de vanneries a des conséquences heureuses pour les vanniers; au cours de la période 1860-1880 elle occasionne un relèvement de leurs gains de l'ordre de 30 à 50 % et même de 100 % selon les articles.

Le morcellement de la propriété. Lorsque la Révolution de 1789 éclate les 4/5 èmes des contribuables du Fayl sont de très petits propriétaires; leur nombre s'élève à plus de 400. Cette catégorie d'assujettis à l'impôt comprend : les laboureurs, les petits paysans et la majeur partie des artisans. Le paysan est très attaché à la terre qu'il possède et il se fait un devoir de la transmettre à ses descendants, même au prix d'un morcellement excessif.

Pendant la Révolution les domaines mis en vente sont le plus souvent achetés par des spéculateurs qui les revendent ensuite au détail par petites parcelles, en réalisant au passage de substantiels profits. Dans la seconde moitié du XIXème siècle le morcellement s'accroît encore, provoqué par l'exode rural et les partages successoraux qui occasionnent souvent des ventes. Ce morcellement de la terre retarde la modernisation de l'agriculture; en revanche il permet aux laboureurs et aux petits agriculteurs d'agrandir leur " bien-fonds" aux manœuvriers et aux artisans d'accéder plus facilement à la propriété.

Pour les " petites gens " c'est la garantie d'une relative indépendance, la façon de se procurer une partie de leurs moyens d'existence. Une activité d'appoint agricole ou artisanale apporte un complément en " espèces sonnantes et trébuchantes ". La culture de l'osier et la vannerie permettent donc aux petits agriculteurs et à beaucoup de manœuvriers de rester au pays plutôt que de partir pour la ville ou de s'engager sur les grands chantiers du siècle ; construction des routes et des chemins de fer, travaux d'urbanisation, etc.

A la fin du XIXème siècle la modernisation (encore timide) de l'agriculture et les mutations de culture , recul des labours au profit des herbages, amorcent un phénomène de remembrement. Les prix des terres montent en flèche au Fayl et les vanniers qui envisagent de planter de l'osier sont contraints, parfois de rechercher du terrain sur le territoire d'une commune voisine, (prairies de Rosoy, Rougeux, Hortes, Charmoy, Bize, etc.)

La superficie des oseraies du Fayl qui était de 37 hectares en 1836 atteint une soixantaine d'hectares vers l860 et 150 hectares en 1892. A la fin du siècle presque tous les vanniers possèdent une oseraie.

La main-d'œuvre vannière. Dans le dernier tiers du XIXème siècle beaucoup de vanniers sont issus du monde agricole et du milieu artisanal. On trouve des petits agriculteurs qui cultivent un peu d'osier et font de la vannerie pendant l'hiver, des manouvriers qui ont embrassé la profession avec l'espoir d'y trouver le moyen d'améliorer leurs conditions de vie, enfin quelques fils de tourneurs sur bois et de tisserands, deux métiers sur la voie du déclin.

Les fabrications. Durant le dernier quart du XIXème la production doit se diversifier afin de répondre à de nouveau débouchés. Aux fabrications traditionnelles destinées à l'agriculture et à des usages domestiques (vans, cabas, hottes, cribles, cages à volatiles, paniers à fromages, corbeilles à lessives, berceaux, etc.) viennent s'ajouter progressivement d'autres vanneries utilitaires : bannetons à "miche " et à " couronne " pour la boulangerie, petites mannes pour la pâtisserie, paniers " crocanes " pour la boucherie et la charcuterie, paniers, corbeilles et mannes diverses tressées " en plein " ou à " jour " pour la blanchisserie, la teinturerie, la passementerie, l'épicerie, le commerce des vins, articles de bureau et de table, fauteuils et mannequins d'osier, etc. La liste des articles de vannerie s'allonge régulièrement et les demandes deviennent de plus en plus importantes. Les vanniers ont tendance à se spécialiser davantage afin d'augmenter leur production et d'améliorer leurs gains. On voit certains vanniers fabriquer toute leur vie le même genre de panier et parfois dans la même taille. Rares sont les vanniers polyvalents qui maîtrisent toutes les techniques du métier.

La spécialisation repose, en principe, sur les techniques de travail et aussi sur la forme des objets. Du point de vue de la technique on distingue quatre genres de vanneries :

- La vannerie "frappée" caractérisée par une " clôture " tassée avec pour support une " armature " rigide faite de lamelles de chêne refendu; exemple : le van, les cabas à pâte et à grain, certaines hottes, les seaux garnis intérieurement d'une toile imperméabilisée.

- La vannerie ordinaire " en plein " présentant un tressage serré sans espaces vides; la vannerie " taquée " comme on l'appelle au Fayl; exemple ; les corbeilles à lessive, les paniers " crocanes ", les bannetons, etc.

- La vannerie " en clair " ou vannerie " à jour " reconnaissable à son treillage léger présentant des vides; exemple : les cages à oiseaux, les clayettes, les "chazieres" à fromages, les nasses, les paniers à " claire-voie ", etc.

Cette dernière vannerie est une spécialité de la THIERACHE, elle n'est pas pratiquée en Haute-Marne.

A la fin du XIXeme siècle, presque tous les vanniers du Fayl sont spécialisés dans la vannerie " en plein ", tandis que les vanniers de Bussières fabriquent principalement des vanneries " à jour ".

Cette spécialisation extrême présente un inconvénient majeur : elle réduit considérablement les facultés d'adaptation des vanniers à l'évolution des marchés.

Vers 1880 s'amorce une nouvelle crise de la vannerie; elle a pour origines :

-L'entrée en France de vanneries étrangères

-Le remplacement de certaines vanneries par des articles de boissellerie et de quincaillerie

-Une évolution du mode de vie.

Le van est éclipsé en partie par le tarare (van mécanique) il devient un simple accessoire; les boisseaux de bois se substituent aux cabas à grain; le vigneron remplace sa hotte d'osier par une hotte de bois ou de métal; l'arrêt de la cuisson familiale du pain conduit à l'abandon des cabas à pâte, etc. Les fabricants de  vanneries frappées  sont les plus atteints par la crise.

Les débouchés de la vannerie évoluent. Les vanniers de la région de Fayl-Billot sont conscients que la Révolution industrielle en cours va engendrer de profonds bouleversements. Pour lutter contre la concurrence étrangère et pour pouvoir répondre à de nouvelles demandes de vannerie, ils jugent indispensable d'élargir leur production, de la diversifier encore plus, et surtout de compléter leurs connaissances professionnelles dans les deux domaines complémentaires de l'osiériculture et de la vannerie.

Le Comice agricole du canton de Fayl-Billot s'inquiète, lui aussi, de l'avenir de l'osiériculture et de la vannerie, deux activités qui tiennent une place importante dans la vie économique et sociale de la région. Au cours de sa séance du 7 décembre 1884 il décide, sur la proposition de son Président Monsieur GOUGET et de son secrétaire Monsieur BOTTOT (futur maire de Fayl-Billot), de s'associer aux municipalités du canton pour demander aux pouvoirs publics la création en France, d'écoles professionnelles de vannerie semblables à celles qui existent en Hollande et en Autriche et que l'on projette d'ouvrir en Allemagne. Ces écoles auraient pour mission de donner à des jeunes gens toutes les connaissances techniques et pratiques se rapportant à la culture de l'osier et à la vannerie.

Ce souhait, bien accueilli en général, ne sera cependant exaucé que vingt ans plus tard.

Evolution de la communauté vannière du Fayl au XIXeme siècle. (source : registres municipaux de recensement de la population).

Années

1804 1805

 

 

1836

1841

1846

1851

1856

1861

1866

1872

1876

1881

1886

1891

1896

Vanniers

50/55

68

102

100

147

129

134

140

172

175

208

226

289

268

marchands

7

4

4

8

8

6

7

6

7

7

6

6

7

7

Evolution comparative de la population agricole au XIXeme siècle.(enquêtes agricoles)

Années

1836

1861

1896

Laboureurs

29

 

 

 

 

Cultivateurs

26

73

89

Manouvriers journaliers

83

149

45

 




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